RÉPUBLIQUE TCHÈQUE - GÉOGRAPHIE

    Nouvel État souverain issu de la partition, le 1er janvier 1993, de la République fédérative tchèque et slovaque (Fédération tchéco-slovaque), la République tchèque a engagé un processus de réforme de son système politique et économique dont les premiers effets contribuent à modifier profondément ses structures sociales et territoriales. Sa position géographique – c’est la plus occidentale des anciens pays du bloc communiste (ex-R.D.A. exceptée) – favorise désormais l’ouverture de son économie vers les pays membres de l’Union européenne, avec lesquels un accord d’association a été signé (un premier accord a été conclu avec la Tchécoslovaquie en 1991-1992; il a été ratifié par le Parlement tchèque et est appliqué depuis le 1er février 1994). Peuplé de 10 300 000 habitants (estimation pour 1996) et étendu sur 78 860 km2, le territoire tchèque est limitrophe de l’Allemagne réunifiée, à l’ouest et au nord, sur plus de 800 kilomètres, tandis que sa frontière méridionale longe l’Autriche sur 466 kilomètres. Au nord-est, la frontière avec la Pologne est longue de 761 kilomètres. À l’est, une nouvelle frontière d’État avec la Slovaquie, longue de 272 kilomètres, reprend le tracé administratif entre les deux entités de l’ancienne Fédération.

Les paysages naturels
    Les pays tchèques s’étendent sur deux ensembles régionaux distincts: à l’ouest, la Bohême, qui couvre près des trois quarts de la superficie, appartient au domaine hercynien; à l’est, la Moravie est formée d’un chapelet de bassins dessinant un couloir d’orientation méridienne, entre la bordure du massif de Bohême et les chaînes des Carpates Blanches. À ces divisions naturelles correspondent des paysages et des formes d’organisation différentes de la vie économique.
    On désigne généralement sous le nom de «quadrilatère de Bohême», les contours d’un ensemble de hautes terres appartenant au système hercynien, encadrant le vaste bassin de la Labe (l’Elbe). Au sud-ouest, la Šumava comprend le versant interne des massifs formant le Böhmerwald en Autriche et en Allemagne. Très arrosée, couverte de forêts mixtes et de conifères, cette région est orientée vers l’activité agro-sylvo-pastorale.
    Au nord-ouest, les monts Métallifères (en tchèque Krušné Hory) et leurs bordures composent un ensemble plus varié: un bloc de hautes terres cristallines, injecté de filons métallifères, basculé vers le nord, domine par un abrupt le fossé de la Bilina et de l’Ohre, des cuvettes intérieures remplies de dépôts tertiaires contenant des charbons bruns et des lignites, et des plateaux résultant d’épanchements volcaniques où naissent les sources chaudes qui font la réputation des stations de Karlovy Vary et Mariánské Lázne. Au nord, au-delà de la percée de l’Elbe qui se dirige vers la mer du Nord, les monts des Géants (Krkonoše) culminent à plus de 1 600 mètres, au-dessus de petits bassins. Formant le quatrième côté du quadrilatère, à l’est, les hauteurs tchéco-moraves ne présentent aucune ligne de relief marquée, et les altitudes ne dépassent pas 700 mètres.
    Au centre du quadrilatère, le plateau central tchèque, haut pays granitique et gneissique, forme des surfaces monotones entaillées par les vallées des affluents de la Vltava (la Moldau allemande). Les reliefs de type appalachien de la chaîne des Brdy dominent à l’ouest le bassin de Plzen. Les affluents de la Labe convergent vers le nord, drainant le bassin du Polabí, rempli de dépôts d’âge crétacé et tapissé de limons fertiles. Au cœur de la cuvette de Bohême, la capitale, Prague, installée sur un gué franchissant la Vltava, bénéficie d’une excellente situation.
    La Moravie s’étend à la fois sur le rebord du massif hercynien, sur l’extrémité des Carpates et sur des plaines intermédiaires que la vallée de la Morava draine en direction du sud. Entre deux ensembles accidentés, elle forme un couloir d’accès facile, qui, par la porte de Moravie, met en communication la Pologne silésienne et l’Autriche danubienne. Au nord, drainé par l’Odra (l’Oder), le bassin d’Ostrava, ou Silésie tchèque, a fondé son développement industriel sur un important gisement de charbon, tandis que les collines et les plaines de la Moravie méridionale s’ouvrent largement aux influences danubiennes.
    Le climat tempéré est teinté d’influences continentales. En plaine, les températures moyennes du mois le plus froid varient de — 1 à — 4 0C, tandis que les températures du mois le plus chaud s’y tiennent entre 17 et 19 0C. Les précipitations, dont le volume annuel varie entre 450 et 700 millimètres, présentent un maximum durant la période estivale. En montagne, le climat rendu plus rude par l’altitude, avec des températures hivernales plus basses et des précipitations plus abondantes, tombant sous forme de neige en hiver. Dans ces conditions, les forêts occupent un tiers de la superficie du pays (2,6 millions d’hectares).

Un peuplement homogène et régulier

    Très homogène par sa composition ethno-linguistique (95 p. 100 de Tchèques, 4 p. 100 de Slovaques), la population de la République tchèque se caractérise par un très faible dynamisme démographique (— 2,1 p. 1 000), résultant de l’affaiblissement continu de la natalité (9,3 p. 1 000) et d’un processus de vieillissement déjà ancien. À l’exception des régions du pourtour montagneux de la Bohême occidentale et méridionale, en grande partie dépeuplées au lendemain de l’expulsion des Allemands en 1945, et qui ont durablement souffert de leur position frontalière et de la présence d’installations militaires, la trame du peuplement apparaît relativement dense (la densité moyenne est de 131 hab./km2 au milieu des années 1990), à des altitudes qui sont pourtant celles des moyennes montagnes. Villages et bourgs sont animés par des activités industrielles qui font de la Bohême l’exemple même de la montagne-atelier. Il en est de même en Moravie, où le peuplement concentré en gros villages est animé par des migrations pendulaires de travail vers un réseau étoffé de petits centres urbains. La distinction entre population urbaine (65,3 p. 100) et population rurale s’est beaucoup atténuée, tant les activités apparaissent diversifiées et régulièrement réparties (un tiers des emplois industriels sont localisés dans des villes de moins de 5 000 habitants). Le caractère relativement dispersé du peuplement est renforcé par un maillage administratif serré de 6 196 communes, dont les quatre cinquièmes comptent moins de 1 000 habitants. Le territoire est découpé en 72 districts auxquels s’ajoutent les agglomérations de Prague (1,21 million d’habitants, Brno 391 000 habitants, Ostrava 331 200 habitants, Plzen 174 000 habitants). Les treize principales agglomérations ne regroupent que 35 p. 100 de la population totale.

L’impact de la transition économique

    Des mesures de libéralisation de l’économie (libération des prix, suppression du monopole de l’État en matière d’échanges extérieurs) et des réformes structurelles ont permis d’engager rapidement le passage de l’économie planifiée à l’économie de marché. La situation macroéconomique s’est stabilisée et, après une phase de récession résultant de l’ajustement à la nouvelle donne (1990-1994), la croissance du P.I.B. a repris. L’économie tchèque connaît le plus faible taux de chômage (3 p. 100 en 1995) en Europe centrale.
    La privatisation a pris plusieurs formes: restitution de leurs biens aux anciens propriétaires (logements, terres et forêts, commerces, usines); petite privatisation des unités de taille réduite (par enchères publiques); grande privatisation (par la méthode des coupons) appliquée aux actifs des grandes entreprises d’État; vente à des investisseurs étrangers. Considérée comme une réussite, cette politique a permis d’élargir considérablement la part du secteur privé dans la formation du P.I.B. (70 p. 100 en 1995) et d’engager une restructuration de l’appareil productif. Celle-ci s’annonce inégalement aisée selon les secteurs d’activité et selon les régions.
    Le développement industriel des pays tchèques, qui prend appui sur une longue et puissante tradition et sur une main-d’œuvre qualifiée, a été contrarié par les choix opérés durant la période socialiste en faveur des industries extractives et de la fourniture d’équipements lourds aux membres du Conseil d’aide économique mutuelle (C.A.E.M., ou Comecon). Avec le charbon des bassins d’Ostrava et de Kladno, le lignite des gisements de Most et de Sokolov, la République tchèque dispose d’une importante base énergétique qui assure une partie de son approvisionnement en électricité. Mais ces activités, responsables d’une détérioration de l’environnement de la «vieille région industrielle» de Bohême septentrionale, sont en repli marqué, de même que la sidérurgie des grands centres industriels du bassin de Silésie (qui produisent 70 p. 100 de la fonte et les deux tiers de l’acier). Les industries mécaniques et électriques, qui ont longtemps constitué un atout, fournissant jusqu’à la moitié des exportations du pays, sont frappées par une obsolescence des techniques, en particulier dans le secteur de l’électronique. Le rachat de Škoda par la firme allemande Volkswagen contribue à remettre sur pied le secteur de l’automobile et des équipementiers. Très diversifié dans ses fabrications, qui se répartissent de manière équilibrée à travers le pays, ce secteur forme véritablement l’ossature industrielle du pays.
    Dépendantes des approvisionnements en hydrocarbures russes (oléoduc de l’Amitié), des ressources énergétiques et de l’eau, les industries chimiques se concentrent dans les centres industriels de Moravie du Nord et le long de l’Elbe. L’afflux d’investissements étrangers devrait favoriser la restructuration et la modernisation des entreprises de ce secteur. Bénéficiant d’une tradition forte, les industries du verre, de la porcelaine et de la céramique connaissent un renouveau depuis le retour à l’économie de marché et la déconcentration des structures d’entreprise. Livrés à la concurrence des importations, le textile et la confection connaissent un déclin persistant, tandis que les industries alimentaires se restructurent, en partie grâce à l’apport de capitaux étrangers (Philip Morris dans Tabak, Nestlé-B.S.N. dans Cokoladovny). La filière bois transforme les produits de l’exploitation de la forêt.
    La privatisation du secteur agricole est achevée, en 1996, mais les structures issues de la décollectivisation ne sont pas entièrement stabilisées. Bien que les terres aient été restituées aux anciens propriétaires, la majorité d’entre eux ne les exploitent pas et les louent aux exploitations qui ont pris la succession des anciennes structures collectives. À côté de 24 173 exploitations individuelles (1995), les entreprises en société (au nombre de 1 430) et les coopératives (1 151) restent largement dominantes, exploitant respectivement 28 et 47 p. 100 de la superficie agricole. Après une chute du quart de la production agricole en valeur (1989-1995), liée à la diminution de la demande intérieure et à la perte des débouchés du C.A.E.M., la production se stabilise de manière à répondre aux besoins du marché intérieur. Principalement orientée vers les productions animales (55 p. 100 en valeur), cette agriculture apparaît faiblement spécialisée à l’échelle régionale. En Bohême centrale et en Moravie méridionale, les régions de plaine qui bénéficient de sols plus fertiles cultivent des céréales, des oléagineux, de la betterave à sucre, tandis que les zones défavorisées de montagne s’orientent vers un mode d’utilisation du sol plus extensif (élevage sur prairies naturelles).
    Après plusieurs décennies d’intégration au C.A.E.M., la réinsertion de l’économie tchèque dans les échanges internationaux (le pays est entré dans l’O.C.D.E. en 1995) se traduit par une réorientation des flux commerciaux vers l’ouest (Union européenne), mais le solde commercial est déficitaire, et par un développement remarquable du tourisme international (plus de 100 millions de visiteurs en 1994, dégageant un bénéfice de près de 900 millions de dollars), principalement à Prague, première destination des touristes étrangers dans le pays.

Des dynamiques régionales qui s’inversent

    Le développement territorial des pays tchèques présente des contrastes qui révèlent des tendances de longue durée: par exemple, la division ancienne entre un Nord plus industrialisé et plus urbanisé et un Sud moins développé. Ces contrastes résultent également des choix politiques de la période communiste, telle la volonté de rééquilibrage territorial des investissements au profit de la Slovaquie, qui ont eu pour conséquence de reléguer la Bohême dans un rôle de vieille région industrielle. L’héritage des quatre décennies de socialisme, en particulier le retard pris dans la modernisation des infrastructures de transport (routes, voies ferrées, aéroports, télécommunications), le non-respect des règles écologiques et ses incidences sur la dégradation de l’environnement, l’absence d’entretien des centres urbains anciens constituent un frein au développement. De nouveaux processus affectent la dynamique territoriale depuis les changements survenus en 1989: la transformation du contexte géopolitique, les conséquences de la partition de la Fédération tchéco-slovaque, l’ouverture au capital étranger et la réorientation des flux économiques vers l’ouest. De toutes les régions tchèques, c’est Prague qui bénéficie le plus de l’arrivée des investisseurs étrangers, du renforcement des activités du tertiaire supérieur (en particulier dans le domaine bancaire et financier), de l’explosion des services en relation avec la fonction touristique. La Bohême, région vitale pendant des siècles, renoue avec la croissance. De nouvelles possibilités de développement s’offrent aux régions frontalières qui faisaient figure de périphéries déprimées: accueil de touristes, afflux de capitaux, migrations de travail vers l’Allemagne et l’Autriche. La séparation d’avec la Slovaquie s’avère préjudiciable à l’économie morave, qui a perdu une partie de ses débouchés, la Moravie perdant ainsi sa position de région charnière. L’impact des restructurations industrielles se fait durement sentir sur les grands centres industriels à caractère monostructurel de la Silésie et de la Bohême du Nord. En créant des tensions entre la Moravie et la Bohême, cette inversion des dynamiques régionales rend plus difficile la réforme de l’administration territoriale, les partis et les mouvements politiques ne parvenant pas à se mettre d’accord sur le découpage en entités régionales.