Italie : Déclin ?

Source : Bilan du Monde, édition 2005

Le débat sur le déclin de l’Italie a occupé une bonne partie de 2004, depuis les failles de son système capitaliste révélées par le scandale Parmalat en début d’année jusqu’au sauvetage in extremis (et provisoire) de la compagnie aérienne nationale Alitalia, menacée de faillite. Il a été relancé par le diagnostic peu amène d’une étude de la banque Morgan Stanley, expliquant qu’« en 2004, l’Italie devient l’économie ayant la croissance la plus lente de tous les pays industrialisés ».

Dans les douze derniers mois, le PIB italien a augmenté de 1,4 p. 100 contre 3,4 p. 100 en moyenne mondiale et 1,8 p. 100 pour la zone euro. « Si cette contre-performance devait devenir structurelle, concluait l’étude , elle finirait par peser lourdement sur les perspectives à moyen terme de l’Euroland. » L’Italie serait en passe de devenir un frein pour l’Europe. « Le pays est à l’arrêt », selon Luca Cordero Di Montezemolo, le nouveau patron des patrons italiens, élu en mai à la présidence de la Confindustria. De nombreux indicateurs ont montré une économie en panne. La production industrielle stagne : en hausse au premier trimestre avec les promesses d’une reprise mondiale, elle s’est effondrée pendant l’été.

En matière de compétitivité, le classement effectué par le World Economic Forum pour 2003-2004 est cruel : l’Italie se trouve reléguée au 41e rang, « derrière le Botswana et la Jordanie », ont pointé avec amertume les commentateurs. Selon la Banque d’Italie, il s’agit de « la crise la plus profonde depuis un demi-siècle ». Le moral des Italiens est d’autant plus atteint que l’inflation court toujours depuis l’introduction de l’euro : + 2,4 p. 100 en 2004, selon l’Institut national italien de la statistique (Istat). Un chiffre sous-estimé, selon les organisations de consommateurs, qui le trouvent carrément « surréaliste ».

Les spécialistes ont noté une augmentation plus forte des prix à la production (+ 3,9 p. 100) qu’à la consommation. Pour les syndicats, c’est la preuve d’une diminution de la consommation liée à la perte de pouvoir d’achat, alors que certains économistes l’expliquent par l’accord de modération des prix conclu en septembre entre le gouvernement et la grande distribution.

S’ajoute le risque permanent de voir le déficit public déraper en 2005 et dépasser le seuil des 3 p. 100 du PIB après l’avertissement adressé à l’Italie par la Commission européenne en juin. Silvio Berlusconi avait finalement obtenu le soutien du Conseil européen, mais sa volonté de baisser les impôts de 12 milliards d’euros en 2005-2006 pour des raisons électorales ne rassure pas les instances bruxelloises. Celles-ci auraient préféré une réduction de la dette italienne, la troisième au monde avec 106 p. 100 du PIB.

D’après le chef du gouvernement italien, la réforme fiscale aura pour conséquence d’améliorer le pouvoir d’achat des Italiens de 2,2 p. 100, et donc de relancer la consommation. Cette analyse n’est pas partagée par le patronat, demandeur d’incitations plus ciblées en faveur des entreprises : « Nous voudrions une politique de développement », a résumé Luca Di Montezemolo.

L’élection de ce dernier à la tête de la Confindustria, le patronat italien, a marqué un tournant dans les relations entre les partenaires politiques, économiques et sociaux. Sitôt élu, le président de Ferrari — qui est devenu aussi, quelques semaines plus tard, celui de Fiat, premier groupe industriel de la Péninsule » a marqué sa volonté de renouer le dialogue avec les syndicats et revendiqué l’autonomie de son organisation vis-à-vis du gouvernement. Refusant « la culture du déclin », ce chef d’entreprise de 56 ans souhaite une remise à niveau de l’industrie par une politique d’investissement sur la recherche et l’innovation. Actuellement, l’Italie y consacre 1,1 p. 100 de son PIB contre 2,2 p. 100 pour la France et 2,7 p. 100 pour les États-Unis. Au lieu des baisses d’impôts prévues, le patronat aimerait l’injection de 1,5 milliard d’euros de fonds publics dans la recherche et des crédits d’impôts pour les dépenses de recherche des entreprises.

Signe d’une dynamique nouvelle dans les relations entre partenaires sociaux, les trois principales confédérations syndicales du pays, représentant environ 11 millions d’adhérents, ont signé, début novembre, un accord avec l’organisation patronale pour le développement des régions du Sud. « Disparu des discours du gouvernement, le Mezzogiorno est notre nouvelle frontière », estime M. Di Montezemolo. Le modèle économique italien, essoufflé dans ses régions de pointe, peut-il rebondir au Sud ? Le taux de chômage, contenu à moins de 9 p. 100 en moyenne nationale, y atteint actuellement 17,6 p. 100, contre 3,8 p. 100 au Nord.

Jean-Jacques Bozonnet

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