Belgique : Rumeurs de divorce

Source : Bilan du Monde, édition 2005

L’économie belge, dont le taux de croissance n’a pas franchi la barre de 1 p. 100 en 2002 et 2003, s’est lentement redressée et table sur un taux de 2,5 p. 100 pour les mois et les années à venir, compte tenu d’une augmentation simultanée de la demande intérieure et extérieure.

La consommation, encouragée par une réforme fiscale pourtant timide, a repris en 2004 et le taux de confiance de la population a redécollé, tandis que les exportations croissaient. La modération salariale, qui reste en vigueur, malgré la forte mobilisation des syndicats qui espéraient faire fléchir le patronat lors de difficiles négociations interprofessionnelles, a favorisé la compétitivité de l’industrie belge par rapport à celle de ses principaux voisins, principalement allemands et néerlandais.

La création d’emplois, qui avait reculé pendant deux ans, a elle aussi légèrement repris en 2004, pas assez cependant pour réduire le taux de chômage qui, s’il n’atteint que quelque 8 p. 100 au niveau national, reste bien plus élevé en Wallonie, et surtout à Bruxelles (plus de 20 p. 100), une ville-région où il frappe essentiellement les jeunes et les personnes non qualifiées, entraînant une paupérisation galopante d’une région victime d’une véritable dualisation sociale : les cadres des institutions internationales et la population belge aisée y côtoient des groupes sociaux qui connaissent de plus en plus de difficultés à trouver un emploi dans une économie de services.

Le gouvernement fédéral « violet », réunissant les partis libéraux et socialistes flamands et francophones, sous la houlette de Guy Verhofstadt, s’efforce de maintenir la rigueur budgétaire, afin de réduire la gigantesque dette publique, l’une des plus élevées de l’Union, même si elle est repassée, pour la première fois, sous la barre des 100 p. 100 du produit intérieur brut. Elle devrait être ramenée à 90 p. 100 vers 2006, espère Didier Reynders, le ministre libéral des Finances.

Engagés dans des négociations budgétaires dont la difficulté s’avère, compte tenu de tensions entre les partis qui le composent, le gouvernement a mis au point un projet 2004 qui, espère-t-il, sera dans la ligne des précédents. Ses décisions avaient assuré un léger surplus (0,4 p. 100 en 2003). Les mesures décidées n’ont cependant pas convaincu les observateurs. Un projet du ministre des Finances baptisé « déclaration libératoire unique » et visant à permettre le rapatriement de capitaux placés illégalement à l’étranger (pour l’essentiel au Luxembourg) devrait avoir un rendement très inférieur à ce qu’avait espéré M. Reynders. Le ministre tablait sur 850 millions d’euros à la fin de 2004.

La dette de la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) reste un autre point noir et devrait creuser le déficit public en 2005 et 2006. C’est donc bien plus sur la reprise de la croissance et la diminution du montant des intérêts sur la dette publique que comptait le gouvernement pour assurer, entre autres, la survie du coûteux système de santé, en proie aux revendications flamandes de scission. Au total, le déficit public devrait avoisiner 3 p. 100 en 2005 et nécessitera de nouvelles mesures de rigueur.

C’est l’avenir institutionnel du pays qui préoccupe surtout les dirigeants, avec la menace croissante que font peser sur le système les extrémistes du Vlaams Blok. Jugé raciste par la justice, le parti ultranationaliste flamand n’a pas tardé à se débaptiser pour devenir Vlaams Belang (Intérêt flamand) et abandonner en apparence les aspects les plus contestables de son programme, dans le domaine de l’immigration notamment. Son but est, aussi, de convaincre certains élus de droite du caractère dépassé du « cordon sanitaire », cette alliance entre partis démocratiques visant à écarter l’extrême droite de la gestion municipale et régionale. Des membres du VLD, le parti libéral du Premier ministre, critiquent ouvertement cette stratégie, qui doit, selon eux, être abandonnée après les élections municipales de 2006.

Grand vainqueur des élections régionales de juin 2004, le Vlaams Blok a accentué sa pression sur les partis flamands, obtenant la relance des débats sur la scission de la sécurité sociale ou de l’arrondissement électoral et judiciaire bilingue de Bruxelles.
 

Jean-Pierre Stroobants

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